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Domus de Vigna Guidi

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Un villa sous les thermes

Il y a sous les thermes de Caracalla une villa cachée, la Domus de Vigna Guidi. Peu savent que ce complexe monumental, les thermes de Caracalla, s’installe dans un quartier qui était alors dense en habitations, un quartier près de la Porta Capena. Mais bien avant encore, le paysage autour des futures thermes était composé de collines et de pentes. C’était un territoire riche en eau. C’était aussi un lieu de cérémonies très anciennes. Le 1 avril on y fêtait la Fortune Virile. Une des hauteurs était occupée par un sanctuaire archaïque dédié à la déesse Bona Subsaxana. Bona Subsaxana  était une divinité liée à la santé. Pour elle, on élevait des serpents et on fabriquait des médicaments.  Par la suite, cette zone se composera de résidences et de villas de luxe. C’est ici que vivait l’orateur et le politicien Asionio Pollione. Et c’est ici aussi qu’était la résidence privée de l’empereur Hadrien.

Avant les thermes

Le quartier détruit, ne manquait pas de bâtiments publics. On y trouvait l’Aerea Radicaria, un édifice lié aux céréales et la douane. Le Mutatoris Cesaris, la station de service où l’empereur à son retour d’Orient changeait de vêtements. Donc, la Domus di Vigna Guidi a été ensevelie avec une partie de la ville autour de Porta Capena lors de la construction des thermes. C’est lors des fouilles de 1869, à une profondeur de près de dix mètres, dans les terrains de Giovan Battista Guidi que la Domus de Vigna Guidi et ses fresques été découvertes. En 1970, pour les préserver, la Surintendance du patrimoine archéologique décide de détacher les fresques de deux salles de la villa, le Triclinium et le Lararium. Développé sur deux étages, la Domus avait à peine subi des rénovations. La présence, d’un escalier externe qui menait aux étages supérieurs, a fait penser à un édifice à plusieurs étages. Le rez-de-chaussée était occupé par une villa de luxe et les aux étages, étaient composés d’appartements habités par des gens de la classe moyenne.

les thermes de Caracalla

La fresque du Triclinium

La fresque ci dessous appartient au plafond d’un Triclinium, salle à manger, qu’on a retrouvé partiellement écroulé. La fresque ci dessous est juste un fragment, mais elle témoigne de la qualité et de la finesse de la décoration. Ce triclinium était une salle de forme carrée avec des peintures aux murs et des marbres au sol en opus sectile. C’était une salle qui donnait sur une cour bordée d’un portique. Les fresques au plafond étaient délimitées par une corniche en stuc blanc. Les peintures étaient insérées dans un schéma géométrique fait de lignes horizontales et orthogonales qui convergeaient vers un carré central. En un mot, c’était un genre de X avec en son centre un carré. Le long des bras du X on trouve des couronnes, des oiseaux et des figures fantastiques telles que des petits amours conduisant des chars ou des centaures. La fresque du carré centrale, s’est détachée, elle a complètement disparu, dont il ne reste plus rien. Les espaces entre les bras du grand X à fond rouge sont peuplés de ménades, de silènes, de personnages liés au cortège de Bacchus.

Les peintures

Sûrement, le propriétaire devait être un riche personnage. Car, pour décorer la villa, on avait utilisé des matériaux coûteux, comme, pour les peintures, le rouge cinabre et le bleu égyptien. Cette structure particulière, dotée d’une élégante domus au rez-de-chaussée et des appartements aux étages supérieurs, unique à Rome, fait penser à la propriété d’un marchand très riche. On trouve ce genre de demeures à Ostie Antique, le port de la Rome antique. Du triclinium, on passe au lararium, le sanctuaire privé. Sur les murs, on a découvert deux couches de fresques superposées, correspondant à deux phases décoratives peintes à deux moments différents. La première est typique du IIe siècle (134-138 après JC). Elle date de la période de l’empereur Hadrien. L’espace est divisé en géométries verticales et horizontales, avec des représentations de genre raffinées. Les espaces sont peuplés de figures humaines, de statues, de félins rampants, de symboles dionysiaques. Au centre se trouvent de grands cadres avec des personnages. Sur la voûte ornée de formes concentriques à larges bandes on pouvait contempler les représentations des quatre saisons. Aujourd’hui elles ne sont plus visibles, les peintures se sont détachées, elles sont tombées.

La domus de Vigna Guidi
Bacchus

Lararium de la Domus

Dans le deuxième décor, qui date de la fin du IIe siècle, la partie inférieure de la pièce était probablement recouverte de plaques de marbre. La partie supérieure de la pièce, les lunettes ont été redécorées. Les motifs architecturaux, les sujets fantastiques et des objets ornementaux ont été remplacés par de grands personnages. Et c’est ici qu’on a le vrai coup de théâtre. Face à face, des divinités du panthéon romain, Jupiter, Minerve et Junon, côtoient des divinités orientales. On voit Isis qu’on reconnaît au nœud de lune sur la tête, la torche et les épis de blé dans ses mains. Il y a aussi Anubis avec un corps d’homme et une tête de chacal ou de chien. Quelque part devrait se trouver aussi Sérapis qui d’Isis est mari et frère. « On savait que les Romains priaient tous ces dieux, avec un syncrétisme religieux marqué et répandu. Mais jamais on n’avait trouvé la triade capitoline et la triade égyptienne les deux représentées simultanément dans un lieu de culte privé ». C’est ce que raconte l’archéologue Mirella Serlorenzi, directrice des Thermes de Caracalla, qui abritent désormais un morceau de cette Rome qui existait juste là, à quelques mètres de là, avant la construction des grands thermes. 

La Domus de Vigna Guidi

La deuxième fresque a été peinte directement sur la première. Une légère couche de chaux les séparent. C’est pourquoi la couche plus ancienne celle avec les lignes géométriques, les personnages fantastiques c’est mieux conservée. La deuxième couche. celle avec les divinités, s’est par endroit effacée. Selon certains chercheurs, les sujets constituent un rare exemple de peinture romaine à contenu religieux. La présence d’un autel et de figures religieuses d’une si grande taille conduit à interpréter la pièce comme un petit espace utilisé pour la célébration d’un culte domestique. Tout au long de leur histoire, les Romains ont rapprochés de leurs propres divinités et les ont unies souvent à des dieux lointains par leurs lieux de culte et même, parfois, par leur nature. Probablement le caractère fonctionnel des dieux de Rome ont permis, plus qu’ailleurs, un très large développement d’interprétations de toutes sortes. La tolérance religieuse, presque constamment attestée, des Romains y trouvait son compte.

Syncrétisme

Il faut savoir que la religion romaine est composée de rites séculaires que chaque Romain doit accomplir. Les dieux sollicités, dont Jupiter le plus puissant de tous, changent en fonction de la famille, du métier exercé, et de la ville où on vit. C’est donc une religion sociale, civique et politeiste. Les citoyens romains adoptent ainsi de nombreux dieux locaux, étrangers, des dieux protecteurs locaux tout en conservant leurs traditions. Au fur et à mesure des conquêtes, avec l’extension de la citoyenneté aux peuples conquis, le nombre de cultures et de religions dans l’Empire augmente. C’est alors que s’opère un syncrétisme religieux. Les cultes se mélangent, les fonctions des dieux se confondent. Autrement dit, la religion romaine évolue en adoptant et en s’adaptant aux nouveaux dieux. En retour, cette religion romaine se propage dans les nouveaux territoires grâce aux institutions romaines. Donc, être Romain c’est aussi accomplir les rites religieux de sa cité, juxtaposés aux croyances locales.

Pour conclure

Ouverte depuis le 23 juin, inclue dans le parcours des thermes de Caracalla, la Domus de Vigna Guidi mérite le détour. La beauté de ses peintures évoque l’histoire d’un quartier urbain de l’époque d’Hadrien, de la première moitié du IIe siècle de notre ère. Alors, des domus raffinées défilaient près du tronçon urbain de la voie Appia, la Reine des rues, celle qui menait vers le sud. En plus c’était une domus installée dans une insula dans le style des maisons d’Ostia Antica. Et pour finir les peintures du deuxième cycle témoignent du syncrétisme religieux présent dans la Rome antique. C’est la première fois que des vestiges à Rome montrent la triade orientale (Sérapis-Isis-Anubis) et la triade capitoline (Jupiter-Junon-Minerve). Cette pièce donne des indications supplémentaires sur les mystérieux habitants du lieu. Pour l’instant, tout invite à croire qu’il s’agissait de riches marchands, ayant eu des liens commerciaux avec l’Egypte. Pour réserver votre visite des thermes de Caracalla écrivez à arterome2@gmail.com, téléphonez au +393479541221