Une exposition aux Musées du Capitole
Se tient à Rome aux Musées du Capitole, jusqu’au 25 juillet 2024, une exposition qui nous parle de Filippo et Filippino Lippi, deux artistes de la Renaissance, père et fils. Si la comparaison entre deux ou plusieurs artistes contemporains n’a rien de nouveau, la comparaison directe entre les œuvres d’un père et d’un fils, tous deux peintres influents, constitue un événement assez extraordinaire. L’exposition Filippo et Filippino Lippi « Ingéniosité et bizarreries dans l’art de la Renaissance » hébergée dans les salles des Musées Capitolins explore les traits communs, les influences et l’évolution artistique de deux maîtres de la Renaissance, tous deux nés en Toscane.
Des peintures et des dessins
L’exposition, Filippo et Filippino Lippi qui a été préparée Claudia La Malfa, illustre à travers une sélection de peintures, dessins et documents d’archives, le talent du peintre florentin Fra’ Filippo Lippi et celui de son fils Filippino. On peut y voir la Madone Trivulzio du Château Sforzesco de Milan, ainsi que la Madone de la collection Cini provenant de Venise qui montre comment Lippi invente un langage intime pour la dévotion privée, comme des panneaux de la Galerie des Offices, rarement exposés au public, représentant l’Annonciation de la Vierge et les saints Antoine et Jean. On y voit aussi saint Grégoire et saint Jérôme provenant de la Pinacothèque de l’Académie Albertina de Turin. A l’origine ces deux peintures faisaient partie d’un triptyque dont la partie centrale est aujourd’hui conservée au Metropolitan Museum de New York.
Des oeuvres provenant de Florence, Naples, Rome
L’exposition comprend une importante sélection de dessins, prêtés par la Galerie des Offices de Florence et l’Institut Central des Graphiques de Rome. La section est accompagnée d’un noyau de documents provenant des archives de Florence et de Spoleto. De ces documents on peut non seulement voir le réseau de contacts de Filippo Lippi avec Côme de Médicis et le roi de Naples. Mais ces documents racontent aussi, non sans une certaine ironie, l’histoire de l’enlèvement par le peintre de Lucrezia Buti du couvent de Prato où se trouvait la jeune fille de dix-sept ans. Cette fuite amoureuse des deux qui aboutira avec la naissance de leur fils Filippino.
Filippo et Filippino Lippo
Parmi les chefs-d’œuvre on peut admirer de Filippino Lippi : l’Annonciation des Musées Civiques de San Gimignano, deux tondi distincts sur panneau où Filippino Lippi conjugue le dessin fait de géométries en perspective de son père avec les figures sinueuses de Botticelli, pour qui il a travaillé.On y voit une nouvelle perspective du paysage tout en profondeur et un premier plan caractérisé par des couleurs et des transparences délicates qui vont faire la fortune de Filippino Lippi dans la grande production picturale des dernières décennies du XVe siècle tant à Florence qu’à Rome.
Fresques de sainte Maria Sopra Minerva
L’exposition comprend les photos des fresques réalisées par l’artiste pour l’église de Santa Maria sopra Minerva à Rome dans la chapelle du cardinal napolitain Oliviero Carafa. On a aussi un dessin préparatoire, prêté par l’Académie de Venise, qui nous montre l’Assomption de la Vierge. La Chapelle Carafa est un condensé de citations de l’Antiquité, des grotesques, à la statue équestre de Marc Aurèle qui se trouvait encore à l’époque en face de la basilique de saint Jean de Latran, à la grande frise antique, à la statue d’un roi barbare aujourd’hui exposée dans la cour du Capitole, à la petite statue d’un putto jouant avec une oie. Ces citations antiques révèlent la fascination inconditionnelle de Rome sur la production artistique des maîtres de la Renaissance.
Vies de Filippo et Filippino Lippi
Fra’ Filippo Lippi s’est formé au couvent des Carmélites de Santa Maria del Carmine à Florence. Il y est placé encore enfant par une famille très pauvre. Il y grandit en étudiant les œuvres des grands maîtres du XIVe siècle et les peintures de Masolino et Masaccio. Au contact de ces deux maîtres, Filippo Lippi acquiert les outils pour réaliser une conception moderne des volumes, construits par la lumière et la couleur. Il a commencé son activité grâce au dense réseau de contacts des Carmes en Italie. Il aurait eu une vie assez aventureuse. Si le témoignage de Giorgio Vasari est vrai, il aurait été capturé par les Maures sur la mer Adriatique. Il aurait été libéré pour avoir peint l’image de leur chef au fusain. A Pieve, il aurait séduit et kidnappé la belle et très jeune none Lucrezia Buti, qui lui donnera son fils Filippino Lippi.
Le fils Filippino Lippi
Filippino Lippi est né à Prato en 1457. Il s’installe à Spoleto en 1467, avec son père qui peint la cathédrale de Spoleto. En 1472, quelques années après la mort de son père, Filippino, probablement âgé de quinze ans, est peintre chez Sandro di Botticelli. Il faut savoir que Botticelli s’était formé auprès de Filippo Lippi, auprès duquel il avait appris les rudiments de la peinture du trait et des couleurs. Il y avait aussi appris une certaine façon de dessiner les personnages dans des poses gracieuses. À son tour, Filippino, le fils de Filippo, s’est formé dans l’atelier de Botticelli, légèrement plus âgé que lui. Filippino a également acquis une partie des éléments stylistiques de son père. Cette triple confluence explique une certaine uniformité du langage stylistique qui se manifeste dans la peinture florentine du XVe siècle, malgré la particularité expressive de chacun de ces artistes à la personnalité unique.
La vie artistique de Filippino
En 1481, Filippino est à Florence où il s’inscrit dans la Confrérie de San Paolo qui était associée aux peintres Domenico Ghirlandaio et à son frère Davide et au seigneur de Florence Lorenzo de’ Medici et au poète Angelo Poliziano. Au début des années 1480, Filippino est chargé de terminer les fresques de la chapelle Brancacci du Carmine. Ces fresques meme qui avaient joué un rôle important dans l’éducation artistique de son père. Il a peint les tondos du Palais Communal de San Gimignano, les retables de Tanai de’ Nerli, Rucellai, de Prato, Lucques et Bologne, et la Vision de Saint Bernard commandée par Piero di Francesco del Pugliese pour la chapelle familiale du couvent des moines Campore dei de Badia devant la Porta Romana à Florence.
Filippino Lippi à Rome
En 1487, Filippino est appelé par le banquier Filippo Strozzi, mais est immédiatement convoqué à Rome en 1488 par le cardinal Carafa pour peindre la monumentale chapelle privée qui se trouve encore dans l’église de sainte Marie sopra Minerva. Il aurait été recommandé par Laurent le Magnifique au puissant cardinal. L’expérience romaine marque une étape supplémentaire dans l’invention figurative de Filippino, tant dans les œuvres sur panneaux que dans les fresques de la chapelle Strozzi auxquelles il travaille à son retour à Florence. Filippino Lippi est décédé subitement à l’âge de 47 ans le 18 avril 1504.
Notes
- Visite possible tous les jours sauf le lundi
- Filippo et Filippo Lippi aux musées du Capitole
- Jusqu’au 25 juillet 2024