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Diseuse de Bonne Aventure

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Un tableau aux musées du Capitole

La diseuse de bonne aventure est une peinture à l’huile réalisée entre 1593 et ​​1594 par Caravage. Le tableau est visible à la pinacothèque des musées du Capitole. La peinture contient néanmoins un avertissement moral. Il s’adresse à ceux qui voudraient connaître leur avenir en ne respectant pas l’impénétrable volonté divine. Cette version a probablement été peinte lorsque le Caravage fréquentait l‘atelier du Cavalier d’Arpino à Rome. Car, en 1977 et 1986, des radiographies faites lors de restaurations ont montré que cette scène était peinte par-dessus une étude du Cavalier d’Arpino « Le Couronnement de la Vierge ». On peut cette oeuvre voir dans l’église de Sainte Marie in Vallicella. L’étude, invisible à l’œil nu, est placée perpendiculairement au personnage de la Gitane.  

Une scène de la vie quotidienne

Dans la Diseuse de Bonne Aventure, l’artiste reproduit une scène de la vie quotidienne qu’on aurait pu voir dans les rues de Rome au XVIIe siècle. C’est une scène de genre un thème largement pratiquée par les peintres flamands et qui en Italie va trouver une nouvelle dignité artistique grâce aux œuvres du jeune Annibale Carracci et par la suite du Caravage. Partant du fond de la toile, Caravage réalise un espace indéfini mais rendu réel par la lumière qui envahit le champ pictural et modèle des personnages, tirés d’une observation directe. Le jeune homme ne s’aperçoit pas que, sous prétexte de lire la main, la jeune fille lui enlève la bague au doigt. Le détail de la bague dérobée a été découvert lors d’une restauration du tableau faite entre 1984 et 1986. Le modèle représenté dans le tableau était un grand ami du Caravage et peintre lui-même, Mario Minniti, un artiste sicilien.

Un sujet populaire

Ce sont les détails des vêtements qui suggèrent que le Caravage a créé l’œuvre partant du vrai. Selon Giovanni Pietro Bellori, l’un des premiers biographes de l’artiste, Caravage avait probablement rencontré cette gitane dans la rue. Il choisit alors de la représenter pour montrer que pour créer une bonne peinture, il ne faut pas nécessairement s’inspirer des grands maîtres du passé, il suffit de regarder. Même des protagonistes appartenant aux classes populaires peuvent être des motifs d’inspiration. La Diseuse de Bonne Aventure, achetée par le cardinal Francesco Maria Del Monte, un des premiers mécènes de Caravage, appartient à la phase juvénile de l’artiste. On est encore loin des forts contrastes et des fonds sombres d’où émergent les figures mises en valeur par de puissantes lames de lumière.

La Diseuse de Bonne Aventure au Capitole

Le souci du détail est très élevé, comme en témoignent le plissage de la blouse de la jeune gitane, le velour de la veste du jeune homme ainsi que la plume qui est magistralement rendue. Même s’il s’agit d’un tableau appartenant à la période lumineuse du Caravage, la lumière commence à créer une atmosphère théâtrale et intense. Cette toile est la première version de l’œuvre que l’artiste réalise pour Gerolamo Vittrici, vice-camerlingue du pape Clément VIII. A la mort de ce dernier l’oeuvre passe au cardinal Francesco Maria del Monte qui commande une seconde version aujourd’hui au Louvre. Le 21 février 1628, les héritiers du cardinal del Monte vendent la toile au cardinal Carlo Emmanuele Pio di Savoia petit neveu du Prince Gilberto II Pio di Savoia, qui la donnera au pape Benoit XIV. La Diseuse de la Bonne Aventure parvient aux collections des Musées Capitolins depuis le milieu du XVIIIe siècle.

Dans la diseuse de Bonne

Dans la Diseuse de Bonne Aventure, Caravage utilise une gamme chromatique chaude et à la fois contrastée. On remarque une grande rupture avec la peinture maniériste, car la représentation immédiate, les figures sont peintes au naturel, les volumes sont ronds et simples et on a l’absence de coloris acides. On ne voit pas de lignes serpentines ni de corps allongés qui sont une des caractéristiques de la peinture maniériste. Une jeune fille, aux vêtements simples, s’approche d’un jeune noble bien habillé, avec des gants et un chapeau à plumes. Avec une attitude presque arrogante, le jeune homme, une main posée sur le flanc, semble trahir par son regard une certaine crainte. Est-elle due à la confiance qui se lit dans le regard de la gitane. Les deux personnages sont muets. Caravage a saisi l’instant où la « diseuse » se tait, le moment où le discours improbable de la jeune fille a triomphé du jeune naïf, laissant place à  la communication non verbale.  

Le jeu des contrastes

Toute l’électricité du tableau repose sur les opposés. On a fille contre garçon, milieu populaire contre milieu aisé, nomades contre sédentaires, turban contre chapeau à plume. D’ailleurs les deux couvre-chefs surplombent la scène comme s’ils étaient les emblèmes des deux camps. Dans son livre Iconologie, Cesare Ripa (1593) dit que la plume sur un chapeau est synonyme des sens « car les sens sont changeants, tout comme la plume qui bouge au gré du vent ». Le chapeau du jeune homme nous montre sa faiblesse, il est gouverné par ses sens même si la main gauche fièrement campée sur la hanche clame sa force virile, mais sa main droite est dégantée, elle est prise dans le piège des mains agiles de la gitane. Le rapport de force a tourné en faveur de la faiblesse apparente, celle de la gitane. 

Iconographie de la plume

Dans le livre Iconologie de l’écrivain Ripa datant de 1593, un jeune homme au couvre-chef surmonté d’une plume est synonyme des sens : « avec un panache sur la tête, car les sens sont changeants, tout comme le plumet qui bouge au gré du vent ». Le couvre-chef du jeune homme nous désigne donc d’emblée sa faiblesse : il est gouverné par ses sens. La main gauche fièrement campée sur la hanche, à côté du pommeau de l’épée, clame la force virile du jeune homme. Objectivement, c’est lui le puissant, lui qui est destiné par nature à dominer la situation. Mais sa main droite, celle qui devrait tenir l’épée, est dégantée, sans protection, déjà prise dans le piège des mains agiles de la gitane. Nous sentons que le jeu est joué, le rapport de force a tourné en faveur de la faiblesse apparente. Comme nous le confirme, très subtilement, le cadrage. Le jeune homme est en retraitacculé à droite contre le bord du tableau.

Deuxième version de la Diseuse de Bonne Aventure

Il existe une autre version de la Diseuse de Bonne Aventure, elle se trouve à Paris, au Louvre. Les deux tableaux sont assez proches en termes de composition, de style, de technique et de temps. Les deux tableaux ont été peints au début de la carrière de Caravage. Le tableau du Louvre, passe, avant 1650 dans la collection du prince Camillo Pamphili, neveu du pape Innocent X. Camillo va l’offrir en 1655 au roi de France Louis XIV par l’intermédiaire de Gian Lorenzo Bernini. Bernin s’était rendu en France pour présenter au roi, qui l’avait appelé, ses projets du Louvre. Cela dit, Bernin et Chantelou jugent la toile très sévèrement : « un pauvre tableau, sans esprit ni invention« . Au milieu du XVIIe siècle, la toile est agrandie et une plume est ajoutée au chapeau du jeune jeune homme naïf. Chantelou, un un collectionneur et ingénieur militaire français avait rapporté cet épisode dans le livre de ses mémoires en parlant du voyage de Bernin en France.

Notes