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femmes de Caravage

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Caravage et les femmes

Les femmes de Caravage n’appartenaient pas à l’aristocratie. L’artiste a vécu dans des quartiers populaires, des quartiers haut en couleur fréquenté par une vaste humanité et en particulier les dames des bordels et des tavernes. Alors, Rome était la ville où le taux de prostitution était tres élevé. Les prostituées affluaient de partout vers la cité papale attirées par l’appât du gain vu la présence massive de pèlerins, d’ecclésiastiques et d’hommes d’affaires. Si au début du XVIe siècle certaines d’entre elles avaient eu un rôle important, petit à petit, les courtisanes avaient fini par être exclues de la société. Le 27 septembre 1599, « sur l’ordre exprès de Notre-Seigneur », on promulgue un édit destiné à limiter la « trop grande liberté » des courtisanes. Il leur était interdit, sous peine de fustigation en public et d’exil « d’entrer, loger, manger ou dormir dans des chambres d’auberges, d’hôtels, de tavernes ou de lieux similaires à Rome et ses faubourgs. De se tenir à la fenêtre, ou en public avec des vêtements trop découverts. De sortir de chez elles la nuit, seuls ou accompagnés. D’entrer dans les églises, sinon pendant le jour et en n’occupant pas les places réservées aux femmes honorables ». Elles avaient fini par être confinées dans une sorte de ghetto, pas loin du Tibre et de la place du Peuple, un coin de la ville qu’on appelait l’Ortaccio.  

Garçon à la Corbeille de Fruits Galerie Borghese
Garçon à la Corbeille de Fruits Galerie Borghese

Qui étaient les femmes de Caravage ?

Des livres et des romans ont été consacrés aux femmes du Caravage. Lui qui avait choisi pour représenter ses Vierges et ses saints des courtisanes connues à Rome. Les visages de ces dames ornent encore les autels des églises. Plus d’une fois ses choix provoqueront un scandale ou un refus du tableau par les commandataires. Des choix qui ne devaient pas plaire à une bonne partie de la hiérarchie ecclésiastique. On connaît les noms de certaines de ces dames ou par les biographies écrites par les contemporains du Caravage ou grâce aux rapport de police. Certaines de ces prostituées fréquentaient les hommes de la haute société, d’autres étaient confinées dans les quartiers pauvres. Les noms sont ceux de Monica Calvi ou Menicuccia, qui fréquentait des personnages comme le Cardinal d’Este ou Annuccia la Rousse ou encore Lena et Fillide. Presque toutes avaient été d’innocentes victimes forcées de se prostituer dès l’âge de 11 ou 12 ans. Toutes devaient se battre pour se frayer une place dans ce monde hypocrite et machiste. Probablement sa préférée devait être Fillide Melandroni, une très jeune prostituée avec qui il passa beaucoup de temps et à qui il dédia un premier portrait en 1597. Tout au long de leur vie, les deux resteront en contact, même pendant la carrière de Fillide, qui deviendra une prostituée pour les nobles puis une éducatrice pour les courtisanes.

La diseuse de bonne aventure Musée du Capitole
La Diseuse de Bonne Aventure Musée du Capitole

Anna Bianchi

C’était la fille d’une prostituée originaire de la ville de Sienne. Et comme beaucoup de ces filles de prostituées, elle avait été placée sur le marché du sex dès l’âge de 10 ou 11 ans, encore enfant. Les rapports de police connaissaient Anna Bianchi à cause de ses fréquentations et d’épisodes liés à son caractère violent. C’est ainsi que l’on sait qu’elle fréquentait les peintres au point d’être présentée comme la mécène des artistes. Elle avait un caractère impétueux et violent, toujours prête à se combattre. On l’appelait aussi Anna la Rousse à cause de ses très longs cheveux couleur cuivre. Un rapport de police de l’époque la décrit « plus tôt petite que grande et aux cheveux roux et longs». Arrivée à Rome au début de 1593, Anna avait fini par fréquenter des personnages puissants. Une fois, alors qu’elle avait été arrêtée avec son amie Fillide, alors que les filles n’avaient respectivement que quatorze et treize ans, le juge s’était adressé à elles avec respect en les appelant « Donna Anna » et « Donna Fillide ». A dix-sept ans, Anna avait déjà été signalée plus d’une fois dans des rapports de police pour des épisodes de violence. Anna Bianchini, meurt à l’âge de vingt-cinq ans en 1604, l’année de l’exécution de la toile la Mort de la Vierge, un tableau qui fit scandale. Elle s’était probablement jetée dans la rivière. On disait qu’elle était enceinte.

Caravage la mort de la Vierge
Mort de la Vierge Louvre

Les tableaux avec Anna la Rousse

On la retrouve dans la très célèbre toile la Madeleine pénitente ou encore la Vierge du repos de la fuite en Égypte. Les deux toiles sont visible dans la galerie Doria Pamphilj. Les autres tableaux sont à l’étranger comme Marthe et Madeleine à Detroit ou la Mort de la Vierge aujourd’hui au Louvre. Ce dernier tableau fit scandale. Il avait été commandée pour l’église de Santa Maria della Scala dans le quartier du Trastevere. Il avait été rejeté par les commendataires. Anna, dont le visage était connu à Rome, s’était suicidée en se jetant dans la rivière. Probablement elle était enceinte. Et c’était là la cause du rejet. D’autant plus que Caravage avait représenté la Vierge, les pieds nus jusqu’aux chevilles et le ventre enflé. Aujourd’hui le tableau est au Louvre. Exposée peu de temps sur le maître d’autel de l’église de Santa Maria dell’Orto au Trastevere, la toile est achetée par les Gonzaga sous le conseil du peintre Pier Paul Rubens qui avait vu le chef d’oeuvre. Puis le tableau passe dans la collection du roi Charles 1er d’Angleterre pour ensuite  arriver dans celle de Louis XIV grace à l’intermediare du banquier Jabach. Le chef d’œuvre, arrive au Louvre en 1814 et il est exposé dans la salle 8 de la Grande Galerie, au premier étage de l’Aile Denon du musée du Louvre. Cette toile fait partie des plus grandes œuvres visibles au sein du musée admirée par des millions de visiteurs, qui, chaque jour se montrent impressionnés par l’audace et la maîtrise de l’artiste.

Caravage Fuite en Egypte
Fuite en Egypte Galerie Doria Pamphilij

Quelques épisodes

Si quelqu’un voulait lui toucher le derrière, elle les attaquait avec un couteau. Un soir d’avril 1597, les gendarmes répriment une vive querelle qui éclate entre elle et un couple de collègues nommés Doralice et Livie. Les trois s’étaient donné rendez-vous à la taverne Turchetto, un lieu de rencontres habituels. Elles auraient dû se réconcilier derrière un bon verre de vin. Là, assis aux tables, il y a des peintres. Ils connaissent les filles, car l’un d’eux s’écria à haute voix : « Voilà Anna, tu as un beau cul ». Anna répondit « peut-être que toi aussi tu as un beau cul que je n’ai pas vu ». A ce moment, le jeune peintre anonyme gifle Anna. Peut-être Anna faisait des allusions au manque de virilité de ce jeune artiste. Il s’ensuit une telle bagarre et il a fallu appeler la police. En 1600, après quelques années tranquille, une nuit d’été, Annuccia Bianchini est sur le pas de la porte avec son amie Livie. Son ancien protecteur passe par là avec quelques amis. Anna se met à l’insulter et à lui jeter des pierres. Les hommes auraient voulu entrer elle les agresse avec un couteau. L’un des hommes qualifie Anna de « fouettée ». C’était le sort réservé aux prostituées. Elles étaient battues sur la place Navone et portées en procession à travers la ville à dos d’âne. 

Madelaine pénitente Doria
Madelaine pénitente Doria

Fillide Melandroni

Fillide, née à Sienne en 1582, appartient à une noble famille. Vers la fin de 1593, Fillide, sa mère et son frère s’établissent à Rome près d’une tante parternelle. Après la mort de sa mère, probablement seule, elle se lie d’amitié avec la courtisane Anna Bianchini, une romaine. Cette dernière va l’aider à faire face à la misère. Dès l’âge de treize ans, Fillide commence sa carrière de courtisane. Elle est même arrêtée, en compagnie d’Anna Bianchini et de deux hommes car elle se « promenait » avec deux messieurs hors d’un bordel. A 16 ans, la voilà à via Belsiana, près de la place d’Espagne, elle loue une chambre dans un immeuble équivoque. C’est un abri pour des personnes de mauvaise réputation où la prostitution est pratiquée. Obligée de trouver une protection, elle s’adresse aux frères Tomassoni, des proxénètes. Mais en relation avec des gens de haut rang, les cinq frères Tomassoni exerçaient le contrôle et fournissaient des courtisanes pour les gentilshommes et les gens de la Curie. Avec le temps, la courtisane « scandaleuse » entre en contact avec la paroisse de sainte Maria del Popolo. Alors, Fillide se consacre aux œuvres de charité, elle adopte même un enfant. Forte de cette nouvelle respectabilité, elle entame une relation avec le noble Giulio Strozzi. C’est le fils illégitime d’un banquier de Venise. A la mort du père du garçon, le jeune Giulio hérite une importante fortune, les deux amants vont vouloir se marier. La famille du garçon s’adresse au pape Paul III. Résultat, Giulio Strozzi rentre à Venise Fillide doit quitter Rome. Fillide revient à Rome pour y mourir le 3 juillet 1618. Elle est enterrée dans l’église de saint Laurent in Lucina.  

Madelaine pénitente Doria
Madelaine Pénitente Doria

La préférée

Parmi les femmes de Caravage, Fillide devait être une de ses préférées. On retrouve son visage dans au moins quatre tableaux. Le premier est le portrait d’une courtisane. La toile a été perdue pendant la deuxième guerre mondiale. Elle aurait dû se trouver à Berlin au Musée Kaiser Friedrich. Elle a peut-être été détruite lors du bombardement de Berlin. L’œuvre est réalisée par Caravage alors qu’il est au service du cardinal Francesco Maria del Monte son mécène et son premier protecteur.  Suit Marthe et Marie-Madeleine qui se trouve à l’Institute of Art de Detroit. L’œuvre est réalisée pour le cardinal Francesco Maria del Monte. On pense que les deux femmes sont l’une Fillide l’autre Anna Bianchi son amie. Ensuite on a sainte Catherine d’Alexandrie qui se trouve au Musée Thyssen-Bornemisza à Madrid. Et pour finir Judith décapitant Holopherne à la Galerie National d’art ancien Rome. Cette toile de Caravage a été réalisée pour le banquier Ottavio Costa alors que l’artiste n’avait que 27 ans. Le tableau montre une scène biblique du livre Judith.    (Lire la suite)

Sainte Catherine d'Alexandrie Musée Thyssen-Bornemisza
Sainte Catherine d’Alexandrie Musée Thyssen-Bornemisza

Maddalena Antognetti

La troisième des femme de Caravage est Maddalena Antognetti « une célibataire honnête. Sa maison est signalée près de l’église de Sant Ambrogio, sur la rue du Corso. « Fille d’art », mère et sœur se prostituaient. Cette courtisane de rang, était au centre d’un réseau complexe de relations transversales dans les cercles les plus en vue de Rome à l’époque. Provenant d’une famille aisée d’un marchand romain bien introduit, à la mort de son père, adolescente elle se retrouve orpheline et sans argent. Contrainte avec sa mère et sa sœur aînée, Amabilia, à quitter la maison paternelle, Amabilia la pousse vers la prostitution. Très jeune, elle est la courtisane du cardinal Montalto puis de Monseigneur Melchiorre Crescenzi et du cardinal Peretti, neveu de Sisto V. Elle fait très vite partie d’un groupe de prostituées de haut bord comme Fillide Melandroni, Menica Calvi et Tella Brunori. Elle a eu un enfant, dont on ne connaît pas le père. Il pose avec sa mère dans quelques tableaux de l’artiste. Pendant un certain temps elle tentera de vivre une vie normale. Elle se mettra en couple avec Gaspare Albertini, un notaire et membre lettré du groupe les Insensés. Mais ça n’a pas marché. Une relation avec un homme honnête mais modeste, pour elle qui était habituée à fréquenter des cardinaux généreux et riches, cela a dû lui paraître monotone et décevante. Elle retourne vivre avec sa mère et sa sœur à Via dei Greci, où elle meurt en 1610, peu avant Caravage. Elle n’avait que vingt-huit ans.

La Madonna dei Palafrenieri Galerie Borghese
La Madonna dei Palafrenieri Galerie Borghese

Lena dans les tableaux de Caravage

Il semblerait que Caravage éprouvait pour Lena une forte passion. Un rapport de police de 1605 parle de l’attaque qu’a subi Mariano Pasqualone, employé des cabinets juridiques du Cardinal Vicaire de Rome, par la main de Caravage. Ce monsieur était un client habitué de Lena. Il dit : « Je n’ai pas vu qui m’a blessé, mais je n’ai rien à voir avec personne d’autre qu’un certain Michelangelo. Ces derniers soirs nous avons eu des paroles sur le Corso, lui et moi, à cause d’une femme qui s’appelle Lena qui se tient sur la Piazza Navona on l’appelle la femme de Michelangelo». Caravage c’est Michelangelo Merisi da Caravaggio, ilnporte le nom de sa petite ville. Le premier tableau dans lequel Lena apparaît est celui de la Madone des pèlerins peint entre 1604 et 1606 sur commande du notaire bolognais Ermete Cavalletti et exposé aujourd’hui dans la chapelle Cavalletti de l’église de saint Augustin à Rome. L’Enfant dans les bras de la Vierge est celui de Lena. Lena et son fils apparaissent aussi dans la Madonna dei Palafrenieri. Le tableau, aujourd’hui, est conservé à la Galerie Borghèse, il a été commandé à l’artiste par l’Archiconfrérie Pontificale Palafrenieri pour l’un des autels dans la Basilique Saint-Pierre. Le sujet devait être celui de la Vierge à l’Enfant avec Sainte Anne, la mère de Marie. Marie-Madeleine en extase. Peut-être un des trois tableaux que Caravage a emportés avec lui lors de son dernier voyage. Il était destiné à Scipione Borghese, celui qui aurait dû plaider la cause de l’artiste. Caravage y avait travaillé dés la mort de Ranuccio Tomassoni en 1610.

Madeleine en extase collection privé Rome
Madeleine en Extase collection privé Rome

Amour de Caravage pour Lena

Les chroniques de l’époque la décrivent comme « la femme du Caravage ». Entre les deux, il y avait une passion morbide, violente et une histoire d’amour sauvage et tourmentée. Pour Lena, le 19 juillet 1605, le Caravage a des démêlés avec la justice. Il endommagé la façade du magasin de fruits et légumes appartenant à Laura et Isabella della Vecchia. Ce magasin se trouvait au rez-de-chaussée de la maison de Lena, sur la rue Corso. Les femmes avaient suscité la colère du peintre parce qu’elles parlaient mal de Lena dans le quartier et elles répandaient des calomnies. Un autre épisode se passe devant le palais de l’ambassadeur d’Espagne. Le jeune notaire Mariano Pasqualone de Accumulo, est attaqué par derrière. Il reçoit un violent coup d’épée sur la tête. C’est un des clients habitués de Lena. Après avoir commis le crime, Caravaggio fuit et reste quelques jours à Gênes. Lena vivait près du mausolée d’Auguste. C’était une prostituée de haut bord et elle fréquentait la curie et la noblesse. Mais la naissance de son fils l’avait fait tomber en disgrâce. Cet amour fou a probablement duré jusqu’à ce que le Caravage soit contraint de quitter définitivement Rome, c’est-à-dire après l’accusation de meurtre contre Ranuccio Tomassoni. Ranuccio Tomassoni et ses frères fournissent des prostituées de haut bord aux cardinaux et à la noblesse de l’époque. 

Menicuccia (Domenica Calvi)

Domenica Calvi, dite Menicuccia, est la dernière des femmes de Caravage dont je vais vous parler. On a très peu d’informations, car contrairement aux autres, toujours en équilibre entre les hauts et les bas, Menicuccia vivait bien. Elle était entretenue par quelques-uns des cardinaux les plus puissants de Rome. Elle était entourée de luxe et résolue à ne pas tomber en misère. D’après un rapport de police, elle vivait dans une grande maison près du Collège des Grecs. C’est probablement pour cette raison, qu’elle n’a jamais accordé trop d’importance au peintre et que bien qu’il a dû la peindre on ne connaît pas vraiment le visage de Menicuccia. Un rapport de police nous annonce son arrestation le soir du 9 août 1601. Elle est arrêtée près de Porta Pinciana pas loin d’une propriété du Cardinal del Monte. Elle est arrêtée avec deux autres femmes. Dans son interrogatoire, elle dit avoir passé l’après midi dans les jardins de villa Médicis en compagnie de gentilshommes et leur suite dont faisait partie Caravage. Quelques années plus tard, il semble que le Caravage fréquente toujours Menicuccia. L’épisode se déroule via dei Greci, où le peintre est arrêté dans la nuit du 19 au 20 octobre 1604, pour avoir lancé des pierres avec des amis. Nous lisons des déclarations de Spaventa: «Lorsque j’avais l’intention de lancer les pierres, je parlais avec Menicuccia qui habite dans cette rue». Outre les femmes dont je vous ai parlé, il y avait aussi Tella Brunori et Lavinia Giugioli, avec qui il aurait peut-être eu une fille. Mais Lavinia était aussi l’épouse de Ranuccio Tommasoni. C’est homme, issu d’une famille aisée, était un proxénète. Lors d’un duel Caravage l’aurait tué pour lìamour de Lena. 

Madelaine pénitente Doria
Madeleine penitente Galerie Doria
Sainte Catherine d'Alexandrie Musée Thyssen-Bornemisza
Sainte Catherine d’Alexandrie Musée Thyssen-Bornemisza
Madeleine en extase collection privé Rome
Madeleine en Extase collection privé Rome
Caravage la mort de la Vierge
Mort de la Vierge Louvre
La diseuse de bonne aventure Musée du Capitole
La diseuse de bonne aventure Musée du Capitole
Madelaine pénitente Doria
Judith Galeria d’arte Antica
La Madonna dei Palafrenieri Galerie Borghese
La Madonna dei Palafrenieri Galerie Borghese

  

Notes

  • Nous découvrirons les femmes de Caravage lors d’une visite sur le thème Caravage à Rome
  • Lors de cette visite nous visiterons quelques églises, une tenue correcte est requise
  • Aucune entrée est prévue
  • Visite à faire de préférence le matin Lors de messes nous ne pouvons pas parler
  • Ecrivez moi ou téléphonez au +393479541221