15 mars 44 avant JC

La veille de son assassinat

Quel chemin Jules César a pu parcourir le 15 mars 44 avant JC pour se rendre à la séance du Sénat qui ce jour là se tenait dans la Curie de Pompée, le lieu de son assassinat. Ce que l’on sait c’est que la veille, le 14 mars 44 avant JC, César avait soupé chez Lépidus, le Magister Equitum de Jules César, en un mot, son assistant. Les convives avaient entre autres discuté du genre de mort qu’ils auraient souhaité, celle, selon eux, qui aurait, pour eux, le moins fait souffrir. César exprima sa préférence pour une mort rapide et soudaine. César affirma que sa survie personnelle n’était pas sa priorité. Sa priorité c’était la République Romaine. Sa crainte, c’était qu’a sa mort, la République plongerait dans des guerres civiles bien plus graves que les précédentes. Lépidus habitait le Palatin. La colline du Palatin n’est plus celle qu’avait connu César. Alors c’était un quartier aristocratique fait de Domus où vivaient des personnages puissants. Bien plus tard Néron et surtout Domitien transformeront une bonne partie de la colline en un gigantesque palais.

Des mauvais rêves et des tristes présages

La nuit précédant son assassinat, des présages sombres et des rêves perturbateurs avaient hanté César et sa femme Calpurnia. Les signes inquiétants des devins avaient également contribué à augmenter son trouble, le poussant à envisager sérieusement d’annuler la réunion du Sénat et de rester chez lui. Decimus Brutus Albinus, un des conspirateurs, son fils adoptif, s’était rendu chez Jules César pour s’assurer que César aurait bien participé à la séance. Quand il entend que Caius Julius ne veut pas quitter son domicile. Brutus commence à se moquer des mauvais présages et en utilisant des arguments convaincants, Brutus persuade le dictateur à quitter sa résidence. A l’époque Jules César, parmi ses mille fonctions était aussi Pontifex Maximus, la plus haute charge religieuse. Il habitait alors au pied du Palatin, pas loin de la maison des Vestales dans la maison du Grand Pontife.  

Par la voie Sacrée

César quitte alors son habitation et s’achemine le long de la voie sacrée. Si la voie Appia était la Regina Viarum des routes consulaires, à l’intérieur de la Ville, la Regina Viarum portait le nom de Voie Sacrée. Elle serpentait le long du Forum romain en descendant la colline du Palatin. La Voie Sacra avait son point de départ près du temple du Divin Romulus, situé près de la résidence du Pontifex Maximus, l’habitation de Jules. Le long de son chemin, la Via Sacra traversait les sites clés de ville, soulignant son importance dans la structure urbaine, politique et religieuse de la Rome antique. L’importance des monuments et ses temples le long de son parcours en faisait un axe central de la vie et des rituels romains. Elle continuait ensuite jusqu’à la colline du Capitole. Certes le paysage qui s’offre aujourd’hui à nos yeux n’a rien à voir avec celui que voyait César. Mais les dalles sur lesquelles nous marchons, sont encore celles que Jules a foulé le jour de son assassinat le 15 mars 44 avant JC.  

Le long du chemin

Juste après le temple de Vesta, César longe, sur la droite, la basilique Aemilia. Exceptionnellement c’est la seule des basiliques républicaines qui subsiste encore. Les autres la Sempronia, la Porcia, et la Opimia ont presque entièrement disparu. La Basilique Émilienne avait été construite par Marcus Aemilius Lepidus et Fulvio Flavio Nobiliare, deux censeurs. Elle avait été édifiée à l’emplacement d’une plus ancienne datant du III AC. Comme toutes les basiliques antiques, elle n’avait pas de fonction religieuse, mais des fonctions judiciaires, politiques et économiques. On y parlait d’affaires et on y rendait la justice. Grâce à une monnaie antique, on sait qu’elle était formée de deux étages. L’espace interne était divisé en trois nef séparées par des colonnes en marbre, le tout couvrant une surface de 70 m de long sur 29 m de large. On pouvait y accéder par trois entrées. Au cours des siècles, la basilique a subi plusieurs rénovations. Son nom actuel vient de la gens Emilia, qui s’occupa des nombreuses restaurations. 

La place du Forum Romain

Ce matin du 15 mars 44 avant JC, César longe sur sa gauche, la place du Forum Romain. Jusqu’à toute l’époque républicaine la place du Forum était le lieu monumental de mémoires sacrées, le centre commercial, religieux, politique et judiciaire de la ville. La place était entourée de monuments importants. Au pied du Capitole le Tabularium datant de 80 AC, c’était le siège des archives de l’État romain, ensuite le Sénat. A l’époque, il était en travaux et c’est la raison pour laquelle ce matin-là, la réunion du Sénat aurait dû se dérouler dans la Curie de Pompée. Juste à côté du Sénat on voit encore les Rostres,  la tribune d’où les magistrats parlaient au peuple. L’autre côté de la place est bordée par la basilique Julienne. Parmi tous les édifices que Jules César avait fait construire, la basilique Julienne était la seule qu’il a pu voir complétée. 

La fête de Anna Perenna

Le 15 mars les romains fêtaient Anna Perenna, une ancienne divinité romaine d’origine étrusque. Cette date correspondait à la première pleine lune après l’équinoxe de printemps. Sa fête correspondait alors au nouvel an. C’est en 153 avant JC que le calendrier romain change le jour de l’An de mars à janvier. On dit que  Anna Perenna était la sœur de Didon. Plus concrètement, les recherches archéologiques suggèrent qu’Anna Perenna  était associée aux déesses étrusques Thannr Anna et Menrvra. Ce jour-là, les romains quittaient la ville et passaient la journée en bordure du Tibre à la campagne. D’ordinaire, lors de ces célébrations, on prédisait autant d’années de vie à celui qui buvait en l’honneur de Perenna que de coupes qu’il pouvait vider en son honneur. Ainsi, le 15 mars, les Romains célébraient le  réveil du printemps, avec de la nourriture et des boissons, mais aussi avec une certaine liberté sexuelle. Anna Perenna était aussi liée à des rites de magie noire. Enfin, c’est probablement pour cette raison que les conjurés ont choisi ce jour pour assassiner Jules César, ils savent que la ville serait vide. 

Le Forum de César

Reprenons notre récit. Laissant derrière lui la Curie que César est en train de faire construire, Jules traverse son forum, le Forum de César. Le 15 mars 44 avant JC, la construction du Forum n’est pas encore terminée, bien que le temple de Vénus Génitrix dont il reste trois colonnes avait été inauguré le 26 septembre 46 avant JC. César y avait tenu une séance du Sénat. César, visionnaire et ambitieux, confia à des vaillants collaborateurs la tâche de concevoir un complexe monumental qui serait bien plus qu’une simple extension du Forum romain. Il souhaitait créer un espace grandiose, à la hauteur de sa grandeur politique et militaire, tout en renforçant les structures administratives et judiciaires de la République romaine. Ainsi, la construction du Forum de César était une déclaration audacieuse de puissance, d’innovation et de leadership, incarnée dans la pierre et le marbre qui érigeaient le symbole immortel du règne de Jules César. 

Artémidore de Cnide le professeur

Le récit de Plutarque apporte une dimension intrigante à l’histoire. Il nous révèle une tentative de mise en garde contre la conspiration visant César de la part d’un professeur de grec nommé Artemidoro di Cnido. Cet homme était l’ami des amis de Marcus Junius Brutus, il avait entendu parler du projet d’assassinat. Ce 15 mars, Artemidoro di Cnido met dans les mains du dictateur un « papyrus » dans lequel il dénonce la conspiration. Ce moment crucial est capturé par Plutarque dans ses Vies Parallèles. Quant à l’emplacement de cet incident, il reste un mystère. Cependant, en suivant le trajet probable de César vers la Curie de Pompée, on peut penser que l’épisode a pu se produire pas loin de l’actuelle place Venise. Cette portion de la ville était alors constituée de maisons populaires. Rome, alors, était confrontée à une énorme demande de logements, le prix des loyers étaient exorbitants et les spéculations nombreuses. Lors de la construction de l’Autel de la Patrie sur la place Venise, on a mis à jour les ruines d’une insulae du II DC qu’on voit encore au pied du Capitole.      

Le Porticus Minucia Vetus

Toujours en chemin vers la Curie de Pompée, ce 15 mars 44 avant JC, César a probablement longé les colonnes du temple des Nymphes. Ce temple sera plus tard placé au centre du Porticus Minucia Frumentaria, un endroit où avait lieu la distribution gratuite de blé. Le Porticus Minucia Frumentaria avait été réalisé pour doubler le Porticus Minucia Vetus, ceci probablement à la moitié du Ier siècle après J-C. Les restes du temple des Nymphes sont aujourd’hui visibles le long de la via delle Botteghe Oscure. Les deux colonnes ont été mises à jour en 1938 lors de l’élargissement de via delle Botteghe Oscure. Quelques mètres de plus et voilà César qui traverse le portique Minucia Vetus. Ce portique était une structure quadrangulaire qui entourait les temples de la zone sacrée aujourd’hui appelée du Largo Argentina. Le portique Minucia Vetus avait été construit par M. Minucius Rufus, consul en 110 avant JC. 

Jules César entre dans la Curie de Pompée, une grande salle rectangulaire où le Sénat se réunissait sporadiquement. Le bâtiment, aujourd’hui inclus dans la zone sacrée du Largo Argentina, faisait en réalité partie dans l’Antiquité d’un complexe monumental composé de longs portiques et de jardins qui menaient, du côté opposé, à un théâtre couronné par le temple de Vénus Victrix, le Théâtre de Pompée. Les vestiges de l’imposante base de la Curie, constituée de gros blocs de tuf, sont encore visibles derrière les temples B et C. La Curie est également représentée dans un fragment de la Forma Urbis, le plan en marbre de la ville de l’époque de Septime Sévère alors exposé au Forum de la Paix. Dans ce plan la Curie de Pompée apparaît flanquée de deux grandes forica, latrines. Au centre de la salle se trouvait la statue colossale de Pompée au pied de laquelle César tomba mort. La statue fut déplacée près de la scène du théâtre lorsque la Curie fut déclarée lieu sceleratus par Auguste et ensuit fermée.

Notes

• Parcours possible lors de la visite sur les pas de Jules César
• Aucune entrée prévue
• Visite possible tous les jours
• Pour réserver vos visites écrivez à arterome2@gmail.com ou téléphonez au +393479541221

A propos de Jules César

• Les amours de César
• Les Ides de Mars
• Les dés sont jetés
• Le personnage Caius Julius César